Crédit photo : WWE
Tout le monde trouve ce qui lui plaît dans le catch. Comme toute forme de divertissement, c'est ce qui en fait la beauté. Dans notre chère discipline, certains admirent les prouesses techniques présentées lors d'enchaînements complexes de prises de lutte quand d'autres aiment se laisser emporter par la décharge d'adrénaline d'un public embrasé. Mais ce qui intéressera les personnes suivant cette chronique, ce sont les histoires ; ces contes devenues légendes, blagues de comptoir ou mauvais souvenirs. Le catch est un monde d'extrêmes où, grâce à la narration, ils s' entremêlent : un monde dans lequel ils existent encore des héros faisant face aux êtres les plus abjects, un monde à mi-chemin entre le concret et l'imaginaire.
Et qui représente le mieux cette dualité aujourd'hui, que le terrifiant binôme Bray Wyatt / Fiend ? C'est ce que nous allons voir dans cette modeste analyse proposée par votre troubadour moderne : sa rivalité "The Fiend vs Seth Rollins" ou "Un pétard mouillé en enfer".
Tout commence en cette période sombre, que les moins d'un an ne peuvent pas connaître, en l'an de grâce 2019. En effet, peu de temps après Wrestlemania, Bray Wyatt nous revient aux commandes d'une émission pour enfants. Il ne lui en faut pas beaucoup plus pour nous donner une des meilleures présentations de personnage de la WWE. En plus de nous proposer un renouveau complet, nuancé et cohérent avec son ancienne personnalité ; monsieur Wyatt dissémine au courant des semaines des indices et références plus ou moins cryptiques que les plus curieux seront prompts à analyser. Quelques "Fireflies Funhouse" lui suffisent pour se démarquer du reste du show et la maestria dont il fait preuve dans la construction du mystère qui l'entoure parvient à tenir en haleine vétérans et néophytes : qui est donc ce "Him" dont il nous a mis en garde ? Pourquoi devrions-nous le laisser entrer ? Est-il une menace ? Et si oui, qui menacera-t-il ? À contre-courant de la tendance, monsieur Wyaat a su patienter et créer de l'attente chez les spectateurs. Il alla crescendo jusqu'à ce que le Fiend nous soit enfin révélé subrepticement : un être de cauchemar nous fit face et ce dernier a le regard porté sur le show rouge. Nul besoin d'être visionnaire pour prévoir les infinis tourments que vont subir ses "camarades de jeu".
L'ire du Fiend cible Finn Bálor et Kurt Angle mais surtout Mick Foley, tel un funeste passage de relais par Mandible Claw interposé. S'il y avait encore des sceptiques, ces escarmouches ont su les taire et le Fiend est désormais établi comme une menace sur laquelle il faut compter. La route vers Summerslam est bien construite, pavée par les victimes du Fiélon. Et comment rendre justice à cette entrée ? Capable de faire frissonner même les plus endurcis. Ce à quoi nous avons assisté ce jour n'est pas un match mais une expérience, une descente aux enfers, un aperçu de la psyché d'un fou ou d'un génie. Sa victoire éclair est logique et laisse rêver une revanche Fiend vs Demon, revanche lors de laquelle Finn Bálor devra lui aussi puiser dans les tréfonds les plus sombres de son âme pour combattre ceux de Bray Wyatt ... ou les embrasser.
Mais l'heure n'est pas au fantasy booking car les premières fêlures apparaissent. Plutôt que continuer à hanter le show du lundi soir, le Fiend s'intéresse au titre de Champion Universel ; pas au champion mais à son titre sans plus de raisons de sa part. Il répètera la même méthode que pour Summerslam, en balayant sur son chemin les quelques malheureux qu'il croisera (Kane et Braun Strowman).
Avant même que le match n'ait lieu, l'engouement est présent mais plus au vu de l'excellence de la storyline passée que par l'actuelle. Car, là réside la plus grande force et faiblesse du Fiend : il s'agit d'un personnage complexe dans l'écriture mais aussi compliqué, plus orienté sur ce qu'il est comme personnage que sur ses actions. À l'inverse, Seth Rollins est plus orienté sur ses compétences in-ring que sur ce qu'il est comme personnage. Attention, les deux sont d'excellents catcheurs et ils sont tous deux capables de nous proposer des rencontres d'une qualité extraordinaire. Hélas, dans un délai aussi court, c'est un peu comme si un duo voulait vous raconter une histoire mais où chacun parlait une langue différente. Il aurait donc fallu user d'artifices pour gommer leurs faiblesses respectives et surtout ne pas agir dans la précipitation. Pas besoin de vous dire que copier-coller la progression utilisée pour Summerslam n'était pas la meilleure idée ...
Arrive enfin le pay-per-view tant attendu, où les humains s'enferment en enfer dans ces cages en fer ; il fut la preuve qu'une gifle bien sentie peut faire plus mal que les châtiments infernaux qu'on nous avait promis. En dépit de toutes cohérences et de l'historique hardcore de la stipulation, le match se conclut de la seule façon qui ne satisfait personne : un arrêt de l'arbitre par crainte pour la santé d'un compétiteur (certain que Mankind aurait apprécié une telle clémence 21 ans plus tôt ... ou pas d'ailleurs).
Non content de nuire encore plus la mystique du Fiélon, il est ensuite décidé de le drafter à Smackdown. Omettant le fait que le Fiend est bien serviable pour quitter sa cible de vue, juste parce qu'on lui a demandé ; la WWE en rajoute une couche en nous annonçant la revanche à Crown Jewel ... pour le titre de Raw ... et avec un Lesnar déjà présent à Smackdown. L'engouement est étrangement moins intense que précédemment.
Et là, le Fiend gagne le titre dans un mélange de désarroi et d'incompréhension. Espérons qu'il ne va pas le perdre de façon totalement ridicule plus tard.
*soupir*
Bref, pour conclure, j'espère que vous avoir rappelé cette storyline ne vous écoeurera pas pour la suite (je vous rassure, on se concentrera sur une rivalité infiniment supérieure) et que je vous ai aidés à comprendre pourquoi personne n'a aimé cette histoire. S'il y a une leçon à retenir de cette expérience ratée, c'est qu'il est primordial de ne pas de jeter dans une écriture bâclée uniquement par peur de voir le public s'en désintéresser. Si vous avez réussi à capter son attention, il saura se montrer patient. Il suffit de continuer à lui donner envie de revenir.
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