Découvrons The French Jacked-Ref: Michel Deschamps.
Après plusieurs séjours au Canada, il a côtoyé quelques noms célèbres du business, il a arbitré Tristan Archer que vous avez vu cet été sous le nom de Clément Petiot dans le tournoi Cruiser. Il vient d’abriter Cody "The American Nightmare" Rhodes.
Des noms comme Ryback et Mister Anderson sont sur sa liste et il est facile de dire que Michel Deschamps ou le French Jacked Ref-comme l'appellent les anglais- est l’arbitre français en vogue en ce moment sur la scène indépendante européenne. Alors découvrons un peu son parcours.
Bad Sidi : Alors je sais que Edge est le catcheur qui t'as fait accrocher le plus, mais comment as-tu découvert et en es-tu venu à suivre le Catch ?
Michel Deschamps : C’est une histoire de fou. À l'âge de cinq ans, mes parents m’ont offert une télévision. Et le premier programme que j’ai vu en allumant le poste c’était du Catch. La WWF à l’époque, c’était en 1998 et j’étais en CP, je suis devenu fan instantanément . Après j’ai eu le jeu Raw is War sur N64, à partir de là, le Catch ne m’a plus quitté.
BS : Te souviens-tu du premier match que tu as vu?
MD: Pas exactement, un de mes premiers souvenirs en tout cas, c’est Stone Cold vs Kane à Raw, pour le titre. (Ici, je me permets d’intervenir pour contextualiser : Ce match intervient dans le Raw juste après le fameux King Of The Ring 1998 où Mick Foley tombe de la cage. Austin est alors champion, Kane le bat dans un First Blood Match. Son règne est de courte durée -puisque Austin regagne son titre le lendemain)
BS : À quel moment passe-t-on de spectateur à catcheur ? Je crois que tous fans de Catch s'est déjà imaginé sur un ring, mais peux-tu me dire quels éléments déclencheurs t'ont poussé vers ce milieu ?
MD : J’ai eu mon bac pro électrotechnique. À partir de là, j’avais la flemme de continuer. Alors comme ça l’idée de devenir catcheur est née. Forcément, j’ai eu zéro soutien du côté de ma famille. J’ai fait des recherches sur le net dans mon coin, je me suis mis à bosser et économiser pendant des mois.
Puis je prends ma place pour la Lance Storm Academy, car elle est prestigieuse. Je quitte mon travail, la famille et j’embarque dans l’avion. En plus j’ai la phobie des avions, c'était la première fois que je partais loin de chez moi. Le premier truc c'est que je parlais anglais couramment et l’autre truc c’est qu’une fois arrivée la bas, tout s’enchaîne très vite; Lance Storm viens te chercher à l’aéroport, il t’attend avec une pancarte et ton nom dessus. C’est classe, puis t’arrive dans une grande maison, j’étais avec cinq autres mecs.
Il y avait une bonne atmosphère. Pas le temps de te poser, l’entraînement commence le lendemain. Tu prends ta première chute, et réalises soudain, que c’est plus physique que ce que tu pouvais imaginer. L’entraînement est intense tu as aussi des cours de comédie.
-Ici la discussion dérive, je vais donc vous la retranscrire en partie-
Une question inattendue m’est venue, quant au choix de l’école fait par Michel.
BS : il est clair que je te rejoins la dessus, la Lance Storm Academy est une école sérieuse et ce depuis longtemps maintenant. Toutefois dans une interview avec Wade Keller, Al Snow se confie sur le problème de multiplication des écoles de Catch, et du fait que maintenant, tout le monde pouvait prétendre être catcheur, là où il y a encore 20 ans percer dans le business était très compliqué. Qu’en penses-tu toi ?
MD : Sur le principe je peux être d’accord, car c’est vrai, maintenant tu as plein d’écoles, tu payes avant de toute façon. Donc le mec te prend ta thune, te forme, après, peu importe que tu aies du charisme ou non, idem pour les aptitudes physique.
Mais tu vois et on y reviendra. Après t’as surtout un gros manque d’opportunités derrière. T’as presque plus de mecs formés que t’as besoin de catcheurs. Tu vois j’ai été footballeur pro à Strasbourg un peu plus jeune, t’es pas obligé d'être le meilleur, c’est pas dans ce sens-là. Mais faut beaucoup bosser, il ne suffit pas de savoir jongler, t’as la tactique à comprendre. C’est une globalité de chose. Avec le Catch c’est pareil. Tu as plein de mecs qui font deux-trois mois de formation et qui pense être catcheur, seulement ça prend plus de temps.
-Après cette parenthèse, retour à l'interview-
BS : Comment se passe l’entraînement à Lance Storm Academy ?
MD : Comme je te le disais, c’était super physique mais en même temps c’était ce que j’avais toujours voulu faire. Deux semaines se passent et sur une mauvaise chute, je me fais une déchirure des cervicales.
BS : On t’annonce que tu es blessé et que tu ne peux plus catcher. J'aimerai savoir ce qui se passe en toi ? As-tu imaginé arrêter ou tu as de suite pensé rebondir ?
MD : À l’hôpital les docteurs me conseillent de rentrer en France. Mais tout de suite j’ai eu la sensation que ce serait une erreur. Alors, le soir je suis rentré à l’école, j’ai pas mal réfléchi et j'ai commencé à écrire des mots, pour m’encourager c’était « je n’arrêterai pas aujourd’hui, je n’ai pas fait tout ce voyage pour rien, quitte à changer d’axe, je reviendrai plus fort. » J'ai d’ailleurs laissé la note dans un tiroir de la chambre. Peut-être que cela aidera quelqu’un comme ça m’a aidé.
Le lendemain matin je suis allé trouver Lance. Je lui ai dit "écoute, j’ai payé, je ne peux plus catcher mais je veux bien apprendre à être arbitre. Alors j’ai suivi la formation arbitre. Donc, j’ai suivi le mois de formation (la formation est moins longue pour les arbitres) puis je suis rentré en France.
BS : Et là concrètement qu’est ce qui se passe ? Tu commences à faire des shows.
MD : Non, là il ne se passe rien. Tout à l’heure, en parlant des écoles de Catch, je te parlais des opportunités. La Lance Storm Academy, c’est très bien! La formation est excellente, mais une fois finie, tu es tout seul dans la nature et débrouille toi.
Lance ne te pistonne pas, il ne t’aide en rien dans l’après. Donc j’ai lâché le Catch, enfin le fait de vouloir en vivre et j’ai repris un travail. Je suis devenu une sorte de "ring rat", allant à tous les shows en Europe, en tout cas le plus possible. Je réservais les mêmes hôtels qu’eux. Ça a duré deux ans.
BS : Donc nous sommes en 2015, tu bosses et tu joues les fans boy ? Et là, à nouveau le démon du Catch va te saisir ?
MD : En fait j’ai appris que Santino (Marella) avait une école.
Alors, un soir alors qu’il était dans le hall d’un hôtel pendant une tournée européenne, j’ai pris mon courage à deux mains et je lui ai demandé des renseignements.
Là, super sympa, il me dit : tu viens t’entraîner en tant qu’arbitre ; ça dure deux semaines et à la fin tu passes même dans un show diffusé sur l’une des principales chaînes au Canada, Rogers TV.
Santino a créé son école de sport de combat, où on trouve une formation catch.
C’est la Battle Arts Academy, elle fait un show par mois. Donc il me propose d’aller là-bas. Je n’y vais pas tout de suite, en 2016 j’ai une grosse rupture sentimentale. Je me dis "je suis en train de perdre mon temps ici, alors que je pourrai tenter de toucher mon rêve". Je décide de tout plaquer une deuxième fois, je quitte encore un travail et je pars pour Toronto.
La façon de travailler de Santino et de lance sont totalement différentes. Santino m’a accueilli et il m’a sorti, on a beaucoup parlé et je suis toujours en contact avec lui.
Il te présente d’autres personnes, comme l’ancien arbitre de la WWE Jimmy Korderas. À la fin des deux semaines, je devais arbitrer un match dans le show, je me suis retrouvé à en arbitrer quatre. Il faut se rendre compte que c’est un show vu par près de 2 millions de personnes.
Et le lendemain il m’a placé dans un show fait par Destiny Pro Wrestling, 4000 personnes dans la salle. Tu vois la différence avec Lance Storm, elle est simple en deux jours : deux opportunités.
BS : Depuis que tu es rentrée de la Battle Art Academy, tu as pas mal arbitré en France, même en Allemagne, là tu pars prochainement pour le Pays De Galles, arbitrer un show où il y a Cody Rodes. Tu devrais même faire le main event (ce qui s’est passé). C'est fatiguant la vie d’arbitre ? Et qu’est-ce qu'un bon arbitre selon toi ?
MD : Si tu veux bosser et faire des shows pour te faire connaître, oui, c’est très fatigant. Puis c’est physique, tu es obligé de faire du sport. Alors parfois je me déconnecte un peu, pour me ressourcer avant de mieux repartir. Pour répondre à ton autre question, pour être un bon arbitre plusieurs critères : déjà le jeu d’acteur, qui est très important, tu donnes une grande crédibilité au match, il faut également de l’autorité, forcément même si c’est un work, l’arbitre fait autorité sur le ring.
Et enfin, beaucoup de gens ne s’en rendent pas compte mais il faut du charisme aussi, c’est essentiel. C’est une chose que Santino a apprécié chez moi. Arbitre tu dois faire vivre le match. Le truc cool c’est de participer et de prendre des bumps, même si je dois me limiter à cause de ma blessure.
BS : Concernant l'approche du Catch, quelles différences vois-tu entre la France d’une part et les usa et le royaume uni d’autre part ?
MD : Le premier point c’est l’égo, c’est normal d’avoir de l’égo dans les milieux du divertissement. Tu veux réussir donc avoir des succès. Mais en France l’ego est tel, que l’on s’empêche d’avancer. Alors ça stagne, malgré le potentiel.
C’est dommage mais vue l’évolution européenne du Catch, des choses positives arriverons en France. (nous avons eu tous les deux une pensée pour tous ceux qui vivent où tentent de faire vivre le Catch en France. Avec une mention spéciale pour une association dont nous sommes tous les deux membres : Orléans Wrestling Association)
Puis dans les pays anglo-saxons c’est des shows, il y a une vraie logique de marketing et de promotion, même dans les petites fédérations et ça change tout. Même les stars des shows participent à l’effort. Par exemple j’ai vu Grado aller tracter. Enfin, toujours selon moi.
BS : Le souvenir le plus "what the fuck" de ta carrière d'arbitre ?
MD : Il y en a que je n’ai pas le droit de dire. Par contre, un truc assez fou une fois dans un match au canada. Un des catcheurs, probablement trop emballé, bouscule la poussette d'une spectatrice durant un match. Et il s’est fait sérieusement embrouiller par la mère. C’était drôle à voir.
BS : Quelles sont tes ambitions futures ? Comptes tu arrêter ou allez le plus loin possible ? La WWE ça te tente ? Ou d’autres promotions?
MD : Pour te dire la vérité à part la WWE, il n’y a rien qui me tente. Je vois tout le reste comme une rampe d’accès vers mon rêve. Mon objectif a toujours été la WWE et je n’ai pas changé de perspective. Comme tu le disais au début je vais sûrement arbitrer Ryback et Mister Kennedy et j’espère bien d’autres, avant d’arriver à la WWE. Je vais tout faire pour.
Badsidi : Michel c’est tout le mal que je te souhaite. Bon voyage au Pays De Galles.