L’année 2018 est et restera une année charnière dans l’histoire du catch. Deux tendances très claires se dégagent : une baisse de qualité du produit proposé par WWE ainsi qu’une montée significative du circuit indépendant concrétisée par le show « All In ».
Je veux parler ici du catch en général. Cela fait maintenant plus de 40 ans que la fédération de Stamford est la plus populaire dans le monde. La WCW a, certes, menacée cette domination dans les années 1990 durant les « Monday Night Wars ». Cette guerre a engendrée l’« Attitude Era » qui a vu la WWF atteindre son pic de popularité entre 1998 et 1999. Depuis, les audiences ont progressivement chuté. Nous voilà donc en 2018. Les audiences sont dérisoires par rapport à la décennie précédente mais, paradoxalement, la WWE n’a jamais été aussi profitable. Cela est dû principalement à 3 choses. Premièrement la compagnie est cotée en bourse, ce qui témoigne de son poids économique astronomique, ce qui attire beaucoup d’investisseurs et d’actionnaires, enfin bref nous ne sommes pas ici pour faire de la finance. Deuxièmement, les droits TV pour la diffusion de Raw et SmackDown Live représentent des revenus très important et sans aucun égal dans le monde du « divertissement sportif ». Finalement le merchandising vendu à travers le monde en fait une entreprise qui représente tellement d’argent que la voir perdre sa domination sur le « marché » que représente le catch est utopique. Mais est-ce que l’utopie est impossible ? Calmez-vous nous ne sommes pas là pour faire de la philosophie non plus. L’année 2018 réalisée par la WWE est jusqu’ici … médiocre si l’on veut rester poli. Attention, le niveau des matchs et la qualité du produit n’est pas horrible en soit, le problème réside dans le fait que l’on se désintéresse fatalement du produit. Je vous mets au défi de regarder les 3h de Monday Night Raw sans zapper une seule fois : mission quasiment impossible. C’est pour cela que je me demande si la WWE n’est pas en train d’endommager l’image du catch.
La WWE est aujourd’hui la « vitrine » du catch dans le monde et si le produit proposé par cette vitrine ne captive plus personne ou en tout cas en captive de moins en moins c’est le catch en général qui en pâtit. Cela se voit dans les audiences aux États-Unis, cela se voit aussi en France où depuis la génération 2006-2010 dit génération « NT1 », trouver de nouveaux fans de catch devient de plus en plus compliqué. Le problème est que cela ne touche, pour le moment, pratiquement pas la WWE pour les raisons précédemment énoncées. Le plus gros problème qui va se poser pour la WWE est le manque de stars. Le booking désastreux dont font preuve les officiels n’est pas sans conséquence. Aujourd’hui qui peut être considéré comme une star au sein du roster ? Quelqu’un qui va vendre du merchandising à gogo et qui va attirer du monde dans les live events et pour les Pay-Per-View à part peut-être Ronda Rousey ? John Cena ? Pas de bol Hollywood a toqué à la porte. Roman Reigns ? Atteint d’une leucémie la préoccupation n’est absolument pas la WWE pour lui actuellement. AJ Styles ? Champion du monde pendant plus d’un an d’accord, mais combien de main events de Pay-Per-View ? Un seul et encore c’était le dernier PPV exclusif à Smack Down Llive. Brock Lesnar ? Présent sur les rings autant que moi en cours à la fac autant dire pas souvent. On l’a vu avec Crown Jewel et SuperShowDown, Vince McMahon doit faire appel à Triple H (49 ans, aussi rigide qu’un poteau), Shawn Michaels (53 ans, retraité depuis 2010, aussi chauve que Pascal Obispo), Kane (51 ans, maire à temps partiel, aussi lent qu’un paresseux en surpoids), The Undertaker (53 ans, devait prendre sa retraite il y a plus de 3 ans, parait aussi vieux que le Père Fouras) pour attirer le maximum de personnes en Arabie Saoudite et en Australie. Attention ces quatre énergumènes sont des légendes de ce business et peuvent prétendre à être dans les superstars les plus influentes de tous les temps. Cependant cela amène un constat : personne n’a, dans le roster, le « star power » que représentent ces quatre icones. Les personnes à blâmer ne sont pas les superstars car le potentiel est plus que jamais présent. Le roster actuel a un potentiel quasiment sans limite que ce soit au niveau in-ring, mais aussi au niveau du charisme et de l’acting mais aussi des aptitudes scénaristiques. Seulement voilà, nous sommes en 2018 et on se demande encore qui peut représenter la compagnie pour les années à venir. On sait que Vince McMahon apprécie avoir une « figure de proue », un babyface représentant la compagnie à travers le monde. Hulk Hogan, Steve Austin, John Cena et depuis quelques années Roman Reigns, ont tous été propulsés vers les sommets en tant que « top guy ». Force est de constater que pour la dernière personne de cette liste et bien … cela n’a pas très bien fonctionné. Le problème étant que si la vitrine du catch n’intéresse personne, que ce milieu ne produise plus aucune star au niveau mondial et que le produit intéresse de moins en moins de monde ; le catch au niveau mainstream va mourir. C’est triste à dire mais si la WWE va mal : le catch va mal.
Pourtant le catch n’a, globalement, jamais été aussi bon. 2018 est une année formidable pour le catch hors-wwe et ce surtout grâce à deux entités étroitement liées : The Elite et New Japan Pro Wrestling. Évoquons tout d’abord le cas de New Japan Pro Wrestling : la fédération nippone est désormais la référence de catch pur dans le monde. Après une année 2017 phénoménale qui a vue se dérouler peut-être les meilleurs combats et les meilleurs shows de l’histoire de ce sport, on pouvait légitimement se demander s’il était possible de faire mieux l’année suivante. À mon humble avis : la mission est accomplie. Le G1 Climax a peut-être été le meilleur tournoi de catch de l’histoire et le 4ème match entre Kazuchika Okada et Kenny Omega à NJPW Dominion 2018 a réussi à surpasser toutes les attentes avec un match épique de 64 minutes et 50 secondes qui scellèrent l’un des meilleurs règnes de champion de ces 30 dernières années. Des matchs tellement incroyables les uns, les autres que faire un classement en devient une torture psychologique. Le problème qui va se poser pour NJPW est qu’elle est solidement basée au Japon. La stratégie de mondialisation amorcée par la fédération nippone est à double tranchant. Premièrement, malgré une fanbase assez importante aux États-Unis, l’intégration et l’expansion sur le territoire américain va être très compliqué du fait de la domination écrasante de WWE. L’autre problème vient du fait que plus la compagnie va chercher à s’exporter à travers le monde plus elle risque de perdre l’essence de qui fait son succès aujourd’hui : à savoir le puroresu. On le sait, le public japonais est très attaché à la culture locale, le catch est une culture totalement à part au pays du soleil levant et le fait que, de plus en plus de « gaijins » (étrangers) prennent une place importante dans la compagnie tend à provoquer des conflits internes pouvant porter préjudice à la compagnie. On sait déjà que la direction prise récemment par l’homme d’affaire hollandais Harold Meij n’est pas au goût de tout le monde et que certaines tensions dans les coulisses ont pu se faire sentir. Je souhaite de tout cœur que cette fédération progresse et évolue dans les années à venir vu la qualité de ce qu’elle propose.
Finalement nous allons nous intéresser à un groupe de personnes transcendant les fédérations : The Elite. Menée par Cody Rhodes et les Young Bucks le groupe de potes issus du Bullet Club a chamboulé tout le milieu du catch en 2018. En partant de leur émission bimensuelle sur Youtube « Being The Elite », ils ont réussis à créer le premier Pay-Per-View hors WWE sur le sol américain ayant rassemblé plus de 10 000 personnes depuis la WCW au tout début des années 2000 : All In. « Being The Elite » peut, à la base, être résumée à une chaine de VLOG où les Young Bucks, Adam Cole et Kenny Omega nous faisaient découvrir l’envers du décor et leurs voyages à travers le monde nous faisant vivre leur quotidien à travers leur chaîne Youtube. Souvent accusés de « tuer le business » via cette émission, il est vrai que le « kayfabe » (la ligne floue entre ce qui est scénarisé et la réalité) a souvent été géré de manière controversée par les Young Bucks. Cependant cet outil que sont les réseaux sociaux, qu’est Youtube a permis à The Elite de construire quelque chose de grand, quelque chose de nouveau. Au fil des mois, Being The Elite est devenu un programme bimensuel créant et développant des storylines, intéressantes, drôles et surtout pertinentes (oui, même avec Joey Ryan) autour des Young Bucks, Kenny Omega, Cody, Hangman Page, Marty Scurll et Flip Gordon notamment. Un programme divertissant, pertinent et surtout créant des stars comme Hangman Page, Marty Scurll et Flip Gordon est tout ce que devrait être un programme de catch. Tout ceci a connu son apogée le 1er septembre 2018 à All In. Le show monté de toute pièce par Cody Rhodes et les Young Bucks était censé montrer de quoi était capable les catcheurs du circuit indépendant américain sur une scène beaucoup plus grande, on peut dire que le défi a été relevé avec brio. The Elite est devenu une entité tellement populaire qu’ils n’ont plus besoin du Bullet Club, qu’ils viennent de quitter, et qu’ils songent très sérieusement à créer leur propre fédération courant 2019. On peut le dire The Elite a donné un nouvel élan au catch américain en 2018, de là à le révolutionner dans un futur proche : cela reste à voir.
Si cette année 2018 nous a montré une chose c’est que l’influence de la WWE sur le catch est en train de diminuer petit à petit au fur et à mesure que la qualité de leurs shows baisse et donc que l’on se désintéresse au produit. Sans réelle concurrence la compagnie se repose sur ses lauriers alors que partout dans le monde les autres acteurs du catch progressent et créent de nouvelles choses, de réelles alternatives futures au produit WWE. Je n’ai pas mentionné NXT pour la simple et bonne raison que cela reste sous l’égide WWE. Ce qu’il se passe au Full Sail University est exceptionnel et surtout en cette année 2018 avec Andrade « Cien » Almas, Johnny Gargano, Tommaso Ciampa, Aleister Black ou Velveteen Dream pour ne citer qu’eux. Malheureusement, ceci n’a un impact que très limité puisque les superstars y sont vouées à intégrer le roster principal pour y être mal utilisé voire quasiment absent (cc. Andrade Almas, Sanity, etc…), cela n’en reste pas moins mon show de catch hebdomadaire préféré. Il s’agissait donc de mon point de vue sur l’évolution du paysage « catchesque » dans le monde en cette année 2018. N’hésitez pas à réagir en commentaires s’il y a des points avec lesquels vous n’êtes pas d’accord ou que vous trouvez pas assez développés.
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